Transfert intergénérationnel d'entreprise
Nouvelles règles fiscales en cours
Le 29 juin 2021, le Sénat a approuvé une réforme fiscale majeure pour modifier les règles fiscales entourant le transfert d'entreprises privées à un membre de la famille. Le projet de loi C-208 modifiera la Loi de l'impôt sur le revenu et corrigera les incidences fiscales « injustes » sur la vente intergénérationnelle d'une entreprise.
Avant le projet de loi C-208, les particuliers étaient généralement incités financièrement à vendre les actions de leur entreprise à une partie sans lien de dépendance plutôt qu'à la génération suivante.
Application du Projet de loi C-208
Le projet de loi C-208, un projet de loi d'initiative parlementaire, apporte des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu fédérale dans le but de neutraliser l'incidence fiscale pour un contribuable suite au transfert d'une entreprise constituée en société, que ce soit à une partie liée ou à une personne sans lien de dépendance. Le projet de loi C-208 comprend également des modifications visant à faciliter les réorganisations de sociétés entre frères et sœurs. Le projet de loi C-208 s'applique à certains transferts « d'actions admissibles de petite entreprise » et d’actions de « sociétés agricoles ou de pêchefamiliales ».
Exemple comparatif - Avant le projet de loi C-208
Un particulier a une entreprise constituée en société, dont les actions sont considérées comme des actions admissibles de petite entreprise. Un tiers non lié a offert d'acheter les actions de l'individu. L'enfant du particulier a aussi exprimé son intérêt à acheter les actions par l'intermédiaire de sa société de portefeuille. La société de portefeuille de l'enfant émettra un billet à ordre au particulier en contrepartie et remboursera le billet au fil du temps en utilisant les revenus futurs de l'entreprise.
Si les actions sont vendues à la partie non liée
Si les actions sont vendues au tiers non lié, le particulier réalisera un gain en capital. Le particulier pourra alors utiliser son exonération cumulative des gains en capital contre le gain en capital, ce qui réduira considérablement le coût fiscal de la vente. Pour 2021, l'exonération cumulative des gains en capital est de 892 218 $ pour les actions admissibles de petites entreprises (indexées annuellement à l'inflation) et de 1 000 000 $ pour les actions admissibles de sociétés agricoles ou de pêche (non indexées annuellement à l'inflation).
Si les actions sont vendues à la société de portefeuille de l'enfant
Si les actions sont vendues à la société de portefeuille de l'enfant, les règles fiscales actuelles considéreraient que le particulier a reçu un dividende imposable plutôt qu'un gain en capital. Cela peut augmenter considérablement le coût fiscal de la vente pour le particulier pour deux raisons :
- Les dividendes sont généralement imposés à des taux plus élevés que les gains en capital. Les différences de taux d'imposition dépendront de la province ou du territoire; par exemple, le taux d'imposition le plus élevé sur le revenu des particuliers en 2021 sur un dividende non déterminé en Colombie-Britannique est supérieur de plus de 22 % au taux le plus élevé sur un gain en capital.
- Le particulier n'a pas le droit de demander l'exonération cumulative des gains en capital parce que la vente est imposée comme un dividende plutôt que comme un gain en capital.
L'exemple montre que les familles sont découragées de transférer leur entreprise à la génération suivante du point de vue de l'impôt sur le revenu, même si la génération suivante a véritablement l'intention de poursuivre l'entreprise.
Allégement fiscal en vertu du projet de loi C-208
Le projet de loi C-208 facilite les transferts intergénérationnels en excluant l'application des règles punitives sur les dividendes réputés sur les transferts d'une petite entreprise, d'une société agricole ou de de pêche admissible à une partie liée, à condition que la société acheteuse soit contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants âgé de plus de 18 ans et que la société acheteuse ne dispose pas de la société acquise dans les 60 mois suivant le transfert.
En utilisant le même exemple, les modifications du projet de loi C-208 suggèrent que le particulier pourrait désormais transférer les actions de l'entreprise à la société de portefeuille de l'enfant et avoir une imposition comme un gain en capital plutôt que comme un dividende. Le gain en capital pourrait alors être réduit par l'exonération cumulative des gains en capital du particulier. Cela permet d'obtenir le même résultat financier qu'une vente à un tiers non lié.
À noter que le Québec a déjà mis en place un allégement fiscal provincial similaire pour les transferts intergénérationnels. Cependant, les conditions sont plus strictes que le projet de loi C-208 et exigent généralement que les vendeurs diminuent leurs activités dans l'entreprise après le transfert et que les acheteurs jouent un rôle actif dans l'entreprise à l'avenir.
Procéder avec prudence
Bien que le projet de loi C-208 soit entré en vigueur, le ministère des Finances a annoncé le 19 juillet 2021 la proposition d’introduire des modifications supplémentaires au projet de loi C-208 afin d’empêcher l’abus du nouvel allégement fiscal offert. Le ministère s’est dit préoccupé par le fait que le projet de loi C-208 pourrait faciliter de façon inappropriée les transferts d’entreprises à des fins fiscales au sein des familles, lorsqu’il n’y a aucune intention de poursuivre l’exploitation de l’entreprise par la génération suivante. Par conséquent, ses amendements viseront à régler des questions qui ne sont pas abordées dans le projet de loi C-208, comme les suivantes :
- L’obligation de transférer le contrôle juridique et factuel de la société du parent à ses enfants ou petits-enfants;
- Le niveau de participation dans la société que le parent a droit de maintenir après le transfert;
- Les exigences et le calendrier de la transition de l’exploitation de la société du parent aux enfants et petits-enfants, et le niveau d’implication de ces derniers dans l’exploitation après le transfert.
Le ministère des Finances a confirmé que toute modification supplémentaire s’appliquerait à compter du 1er novembre 2021 ou de la date de publication de la loi définitive, selon la dernière éventualité. Cela laisse entendre que les particuliers pourraient encore être en mesure de procéder à des transferts intergénérationnels d’entreprises en vertu des critères moins stricts du projet de loi C-208 actuel, au moins jusqu’au 1er novembre 2021.
À la lumière de l’annonce du ministère des Finances, les personnes qui envisagent de procéder à une planification fiscale en vertu du projet de loi C-208 sont invitées à demander des conseils fiscaux et juridiques professionnels et à suivre l’évolution de la situation au ministère des Finances avant d’agir.
Conclusion
Bien que l'allégement fiscal du projet de loi C-208 puisse inciter à explorer la restructuration des structures corporatives existantes, il est important de reconnaître que la relève d'entreprise est un art et un processus. Les transferts d’entreprises réussis, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la famille, nécessitent une planification ciblée au-delà de la simple minimisation des impôts. Contactez nous pour discuter et planifier un futur transfert de votre entreprise.